NOUVELLE RÉALITÉ - 2

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Trop manger

1311 Plénitude

1311 Plénitude

Ce matin, je suis passé voir Monsieur Divoux*, qui a l’air très intéressé par le livre sur l’Arizona que je lui ai prêté. J’ai acheté des sels minéraux pour Jean-Guy, qui est alité et souffrant : un manque de sels minéraux, semble-t-il. Il est d’une santé très fragile. Sa femme trouve qu’il est trop excité et fait trop de choses, jusqu’au jour où il tombe malade. J’observe que la plupart des gens sont souvent malades, c’est normal avec la vie qu’ils mènent et ce qu’ils mangent, et en plus la façon dont ils se soignent. Pendant que j’étais là, Monsieur Divoux a répondu au téléphone à quelqu’un qui souffrait du foie. Il lui a prescrit du chou cru ou la diète, boire seulement de l’eau. Une consultation gratuite, m’a-t-il dit en raccrochant : les gens mangent trop et après s’étonnent d’être malades. C’est bien vrai. 

Moi aussi, souvent je mange trop, ou je veux finir les plats pour ne pas jeter des aliments. C’est stupide, mais c’est un principe ancré en moi depuis toujours, résultat probablement de mon éducation. Cela part d’un bon principe, c’est sûr, mais il ne faut pas non plus se rendre malade. Que la nourriture soit jetée directement dans la poubelle ou dans les toilettes en passant par mon corps, le résultat est le même. Il ne faut pas acheter trop d’aliments périssables, ni préparer de trop grandes quantités. Parfois, je ne sors pas parce que j’ai quelque chose à finir dans le frigo. C’est une fâcheuse manie : voilà où peuvent mener des principes moraux.

Curieusement, en parlant de trop manger, je suis attaqué par des moustiques affamés. 

Monsieur Divoux me disait qu’en Inde certains hommes se nourrissent très peu, ils sont tout maigres, mais leur esprit se développe beaucoup et ils deviennent des sages. C’est vrai qu’on mange trop, et des choses trop lourdes, indigestes, qui font plus de mal que de bien. Il faudrait éviter de céder à la gourmandise, ou de suivre des principes diététiques qui prétendent qu’on a besoin de manger des tas de choses. En ne mangeant rien qu’un peu de riz et quelques herbes, on se porterait peut-être mieux, ou, comme au Tibet, de la tsampa et du thé au beurre. Après le tabac, l’alcool, la viande et les femmes, je pourrais renoncer à la nourriture superflue. Depuis un an, j’ai arrêté le café et je m’en porte très bien. J’ai l’impression qu’on arrive sans trop de difficulté à se passer de presque tout. Il y a encore du chemin à faire, c’est sûr, mais il y en a déjà beaucoup de fait : je suis sur la bonne voie. 

 

* André Divoux : mystique chrétien qui tenait un magasin de diététique à Papeete.

 

3 octobre 1985, Faaa (Tahiti)

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