NOUVELLE RÉALITÉ - 2

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1305 Plénitude

1305 Plénitude

J’ai fait avec plaisir mes promenades du soir sur la plage. C’est peut-être ce que je regretterai le plus de Hua Hin*, avec le marché. Mais il y a d’autres plages ou promenades, et d’autres marchés. Je suis un peu effrayé par tout ce qu’il y a à Hua Hin, dont je me passe bien, et qui remplira déjà quelques armoires au Tao Garden*. En triant mes dossiers, je me rends compte de tout ce que j’ai fait ces dernières années, tout ce que j’ai écrit : traductions, livres, réseau des traducteurs, Programme thaï (et international), glossaires, notes diverses et leurs corrections. Que me reste-t-il de tout ça ? Était-ce vraiment utile ? Que reste-t-il de toutes mes études, de tout ce que j’ai lu, de toutes mes pratiques ? Il me semble que je suis de retour à la case départ ; et tout ça est un peu oublié, un peu superflu. Pourtant, je continue à étudier plein de choses, une curiosité, un seeking mind agité. J’ai envie de revenir aux sources, à la simple méditation, au zazen, à la peinture, aux notes quotidiennes de ma propre sagesse, peut-être au golf. D’abord, il faut finir la maison, encore quelques mois de souffrance. Ça m’occupe l’esprit en priorité, et j’ai de la peine à faire le vide.

Je comprends au moins la Deuxième Noble Vérité*. Le désir, pour une maison, pour un endroit sûr, une forteresse, pour ranger les choses auxquelles je suis attaché (livres, peintures, papiers, notes, dossiers), est la cause de la souffrance, d’une bonne année de souffrance non-stop ! De même que le désir de vivre avec une jolie femme. Est-ce que cette fois cela me servira de leçon ? Qu’ai-je envie (désir) de faire de ma vie maintenant ? Paix, tranquillité, silence, sérénité, simplicité ; sages­se ; vertu ; connaissance ; service… Le calme, la paix intérieure me semble la première chose à retrouver, la base pour les autres. J’aurais envie de refaire des retraites aussi. Le calme est la source de la sagesse, et aussi de la vertu, car il permet de développer l’attention. La connaissance me sem­ble nécessaire pour pouvoir servir, enseigner ou soigner, sans doute ; mais c’est aussi mon seeking mind qui m’attire vers elle. 

J’ai lu un article de Master Sheng Yen sur les quatre vœux du mahayana* : aider tous les êtres, se débarrasser de ses défauts, connaître tous les aspects du Dharma*, réaliser la grande illumina­tion. Le premier est le plus important, mais ce sont les autres qui nous en donnent les moyens. Ainsi, c’est bien dans l’ordre ci-dessus, le mien, qu’il faut procéder. C’est l’ordre d’importance pour la pratique, mais bien sûr, il faut travailler sur tous les aspects en même temps. C’est-à-dire que mon premier effort doit être sur la méditation, et ainsi les autres en profiteront automatique­ment. La méditation, c’est effort, attention et concentration. D’abord effort : les quatre efforts suprêmes ; et aussi la discipline, de consacrer un temps déterminé, matin et soir, à la méditation, et rester sur le sujet de méditation. Aucune autre pensée n’y a sa place, comme le dit bien Master Sheng Yen. Pour l’instant, ma méditation se concentre plutôt sur le sujet de la maison ; d’ailleurs, cela me permet de résoudre bien des problèmes. Mais ce n’est pas la même chose, ça ne conduit pas aux jhanas*. Je peux faire une autre pratique pour la maison à un autre moment. L’important, c’est de décider ce qu’on fait à un certain moment, et de s’y tenir.


* Hua Hin : station balnéaire du golfe de Thaïlande où j’ai vécu de 1992 à 1997.

* Tao Garden : centre taoïste créé en 2004 par Mantak Chia à Doï Saket, près de Chiang Mai. À mon arrivée à Chiang Mai en 1997, j’ai vécu pendant un an au Tao Garden, où j’ai construit une maison.

* Quatre Nobles Vérités : ce sont les Vérités de la souffrance, de l’origine de la souffrance, de la cessation de la souffrance et de la voie conduisant à la cessation de la souffrance, ou Noble Voie Octuple. Les Quatre Nobles Vérités sont considérées comme la base de l’enseignement du Bouddha et sont reconnues comme telle par tous les bouddhistes.

Mahayana (sanscrit) : littér. grand véhicule. Une des deux grandes branches du bouddhisme – avec le theravada, ou bouddhisme ancien – qui s’est développée en Inde à partir du premier siècle avant J.-C. Le mahayana comprend toutes les écoles tardives du bouddhisme qui se sont répandues par la suite en Chine, au Japon et au Tibet. Alors que le theravada met l’accent principalement sur la vie monastique et la libération individuelle, l’adepte du mahayana aspire à l’illumination pour œuvrer à la libération de tous les êtres. Cette attitude est incarnée par le bodhisattva, dont la vertu principale est la compassion.

Dharma (sanscrit ; pali : Dhamma) : la doctrine du Bouddha, un des Trois Joyaux, avec le Bouddha et la Sangha. Dans un sens plus général, tout enseignement ou chemin spirituel. 

Jhana (pali ; sanscrit : dhyana) : absorption méditative. Les jhanas sont des états de profonde méditation produits par la concentration. Les enseignements du Bouddha citent huit jhanas – quatre jhanas de la sphère matérielle subtile et quatre jhanas de la sphère immatérielle. Si Ayya Khema insistait beaucoup sur l’importance de la pratique des jhanas, curieusement, ils sont rarement enseignés dans les milieux bouddhistes occidentaux, et même souvent déconseillés.

 

29 novembre 1997, Bangkok

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