Hier, je suis allé voir Ajahn Sumano dans son monastère, Wat Suan Amperdan, près de Chonburi. Sur la route, des visions du développement anarchique de ce pays m’ont fortement impressionné ; je me rendais compte qu’on ne fait plus attention aux réalités insensées auxquelles on est confronté tous les jours, car on s’y habitue. J’ai été frappé d’abord par les interminables files de camions qui encombrent les routes à plus de quatre-vingts pour cent : le bruit, la poussière, la pollution, le gaspillage d’énergie, pour transporter d’un endroit à l’autre des milliers de tonnes de marchandises. C’est effrayant, et ça continue sans cesse, jour et nuit. 

Pour arriver au temple d’Ajahn Sumano, on traverse la belle campagne de l’arrière-pays de Chonburi. Dans cette région, une grande partie des terrains sont creusés par d’énormes bulldozers : le sable et le gravier sont chargés dans des convois de gros camions qui les emmènent vers les chantiers de Bangkok et de Pattaya pour être transformés en béton. Tout ce beau pays n’est qu’une immense carrière, quadrillée de pistes en terre battue où les camions soulèvent des nuages de poussière blanche qui recouvre le peu de végétation qui reste. 

Je sentais une fois de plus l’avidité de ceux qui sont prêts, de façon complètement inconsidérée et incontrôlée, à galvauder toutes les richesses de leur pays et à détruire la beauté de leur environne­ment, juste pour un illusoire profit matériel et une absurde croissance économique. 

16 décembre 1989, Bangkok